THE chapel OF Sainte-Marie-aux-Anglais


PAINTINGS OF THE CHAPEL




Voici la deuxième partie, la plus importante présentant les peintures de la chapelle, de la communication de Vincent Juhel, historien d'art,  publiée dans les actes du 160ème congrès de l'Annuaire des Cinq Départements de Normandie et des Assises de Caumont, qui s'est tenu à Lisieux en 2002 (p. 99 à 115).

Nous n'avons pas reproduit les notes bibliographiques mais nous avons ajouté nos propres photographies pour illustrer ce texte très intéressant.

Les peintures médiévales

Interventions successives sur les peintures

Les "peintures murales fort curieuses" signalées dès 1844 par Arcisse de Caumont étaient presque entièrement dissimulées sous plusieurs couches de badigeon. Lors d'une visite vers 1849, Caumont lui-même, assisté de deux confrères, fit tomber "la plus grande partie de l'épais badigeon qui recouvrait les fresques" du chœur... Il avait ainsi "pu reconnaître sur le mur du côté de l'évangile [c'est-à-dire Nord], la représentation de la Cène et sur le mur faisant face à l'autel, au-dessus de l'arc triomphal, le Christ [sic] et deux autres personnages". Les circonstances du dégagement des autres peintures du chœur ne sont pas connues mais elles sont sûrement à mettre en relation avec le séjour que fit Henri Marcel-Magne à Sainte-Marie-aux-Anglais en 1913 quand il exécuta pour l'administration quatre relevés des peintures murales du chœur. Peu de temps avant son passage. Louis Régnier notait en 1908 qu'outre les peintures dégagées par Caumont, "la partie supérieure des murs et de la voûte laissaient apercevoir aussi quelques traces de peintures".

La première intervention d'un restaurateur semble bien être celle de l'entreprise Malesset à l'automne 1953. Elle concerna principalement le chœur et amena la dépose des boiseries peintes installées au XVIIe siècle sur le mur oriental du chœur (derrière le maître-autel). Cet enlèvement permit de mettre au jour de nouvelles peintures. Lors de cette campagne, on fit aussi un enduit de lacune sur les voûtes, on reboucha les manques un peu partout, on nettoya, on refixa, on restaura, mais il n'existe ni rapport, ni dossier photographique sur l'ampleur exacte des travaux.

Vingt ans plus tard, le Ministère décida de restaurer à nouveau ces peintures à l'occasion de la venue du Congrès de la Société française d'archéologie dans le Calvados en 1974. Le chantier fut une nouvelle fois confié à l'entreprise Malesset. Outre la pose d'une patine sur les enduits de lacune des voûtes du chœur, d'importantes surfaces peintes furent dégagées, refixées et restaurées dans la nef. On procéda aussi à divers travaux de "patines après rebouchage et de présentation" sur le mur Nord et sur le mur Est, ainsi que dans "l'environnement du gisant"...  Il n'y eut pas de rapport à l'issue de ces travaux, mais le restaurateur déposa au Ministère différentes photographies prises avant ou après intervention. Le plus curieux est que chacun de ces chantiers eut lieu avant les travaux d'assainissement, alors que cela aurait dû être l'inverse  !

L'étude entreprise en 1992 sous la direction de Pierre Laure, restaurateur, a permis de dresser le bilan sanitaire des peintures et de proposer des perspectives pour achever la mise au jour de la totalité du décor peint. La majeure partie des peintures de la nef n'avait jamais été dégagée et l'on ignorait même l'importance des surfaces à mettre au jour. Ces travaux ont été financés par un prix des Friends of V.M.F. décerné en 1992. Cette récompense est venue couronner les efforts de la municipalité du Mesnil-Mauger qui ne pouvait financer à elle seule les travaux nécessaires et a alors recherché des partenaires. Les travaux devraient se dérouler sur plusieurs années et permettre la mise en valeur de cet ensemble unique en Normandie.

Peintures des voûtes du chœur

Visibles dès 1913 pour la majorité, les peintures des voûtes d'ogives du chœur se répartissent dans les différents compartiments des voûtes. Elles présentent un important cycle marial malheureusement incomplet.

Seul le voûtain oriental, situé au-dessus de l'autel a été dégagé en 1953, il contient une représentation du Christ en Majesté, entouré des symboles des Evangélistes. Le Christ est assis sur un siège pourvu d'un épais coussin allongé, il est inscrit dans une gloire en amande et se détache sur un fond rouge. Il bénit de la main droite et tient de l'autre main, un livre fermé, posé droit sur son genou. Les symboles des Evangélistes sont ailés. Ils sont disposés dans chacun des angles de la composition et se détachent sur un fond blanc semé d'étoiles à onze rais. Leur nom, inscrit en lettres gothiques, se trouve à côté d'eux dans un cartouche (MARCUS, LUCAS...).





L'Annonciation et la Visitation occupent le voûtain Sud de cette seconde travée. Une bordure rouge et jaune sépare verticalement les deux scènes. La Vierge Marie, debout à gauche, prend la palme que lui tend l'ange Gabriel. A côté des figures étaient écrits : MARIA, GABRIEL et [A]VE MARIA.

La Nativité se trouve dans le voûtain Ouest. Joseph, coiffé d'un bonnet, est assis au pied de la couche de la Vierge. Il tient une canne et s'appuie sur un coude. Marie désigne du doigt l'Enfant couché dans une mangeoire et placé au dessus d'elle. Un ange descend des nuées pour saluer le nouveau-né. Les inscriptions en grande partie effacées, identifiaient les personnages (MARIA, JOSEPH...). La dernière scène de la voûte de cette travée était certainement l'Annonce aux Bergers (côté Nord). Seule a subsisté du côté droit, une figure de berger, vêtu d'un manteau long et d'un capuchon pointu, accompagné par un petit chien. Le berger tient un bâton et lève la main droite, sa tête est légèrement en arrière comme s'il regardait le ciel.


Le récit se poursuit sur les voûtes de la première travée du chœur avec l'Adoration des Mages (voûtain Est). Les Mages, surmontés de leur titulus, (GESPAR, BAULTAZAR, MELCHION [sic]) présentent leurs cadeaux à l'Enfant, assis sur les genoux de sa mère (MARIA). Un ange encenseur est placé derrière la Vierge, tandis que l'étoile domine la composition. Jésus est représenté comme un petit adulte, il bénit d'une main et tient le Livre de l'autre.






Le voûtain suivant (Sud) est le dernier dont les peintures sont bien conservées. On y voit la Dormition de la Vierge. Le Christ (XPS), accompagné des apôtres - répartis en deux groupes - entourent la Vierge (MARIA) étendue sur un lit et placée sous une couverture. Un ange encenseur sort des nuées aux côtés du Christ.

Les deux derniers voûtains devaient consacrer la Glorification de la Vierge et comprenaient certainement une image du Couronnement de la Vierge. Dans ces compartiments, il ne reste que les fragments des deux anges en buste disposés autour de la clef comme dans tous les autres voûtains. Chaque ange est séparé de la scène qu'il domine par une frise décorative disposée horizontalement.

Cycle de la Passion

Les murs du chœur présentent un cycle de la Passion qui se développait tout autour de ce dernier. Le cycle commence sur le mur Sud de la première travée avec l'Entrée du Christ à Jérusalem. Cette scène se trouve à l'Est de la porte d'entrée. On distingue encore un personnage blond, vêtu d'une robe rouge. Il a escaladé un arbre et regarde vers la gauche en désignant certainement le groupe du Christ (non conservé) de la main droite.

Le cycle se poursuit de l'autre côté de l'arc triomphal, par la Cène, disposée sur la première travée du mur Nord, au-dessus des deux arcades qui abritent les enfeus. Seuls dix apôtres sont encore visibles, ils tendent tous la main en désignant le Christ. Il semble que Judas ne soit pas représenté. La table est couverte d'une nappe sur laquelle on a disposé des pains et des poissons. 


L'apôtre à la gauche du Christ tend une grande coupe en forme de calice à pied renflé. La scène est peinte sur un fond blanc semé d'étoiles rouges à six rais.


La suite, bien que mutilée par le percement d'une porte à l'époque moderne, est identifiable. C'est l'arrestation du Christ au Jardin des Oliviers avec la représentation du Baiser de Judas du côté gauche et celle de soldats du côté droit. Judas a un visage caricaturé, mais ses vêtements sont jaunes et rouges, comme tous les autres participants.




Séparée de l'Arrestation du Christ par une frise de rubans pliés, la scène suivante a presque entièrement disparu. Sans doute était-ce une Comparution du Christ ?





Le cycle se prolonge sur le mur Est, toujours au même niveau. Trois scènes ornaient cette partie du mur. La première était le Portement de croix. Le Christ, torse nu, porte une lourde croix jaune rehaussée de points rouges. Un bourreau au visage grotesque le précède, il tient le marteau et les clous.

La peinture placée juste au-dessus de l'autel nous montre la Descente de croix. L'œuvre est abîmée, mais on reconnaît la Vierge qui baise la main du Christ comme à Vic (Indre) au XIIe siècle. Un homme (Joseph d'Arimathie) soutient le corps du crucifié pendant l'opération. Saint Jean paraît être à droite de la croix. La dernière scène du mur oriental devait être la Mise au Tombeau, si l'on en croit la disposition sous une arcade et les restes de personnages. Le cycle se prolongeait sans doute sur la seconde travée du mur Sud avec la Résurrection du Christ associée à la visite des Saintes Femmes au Tombeau. A l'extrémité occidentale de la composition, se trouvent trois soldats endormis, appuyés les uns sur les autres. Leurs casques coniques, l'épée du premier et les lances des deux derniers se distinguent encore. Devant eux, on reconnaît les rémiges de l'aile d'un ange, au-dessus d'une masse jaune qui représentait sans doute le sarcophage. La partie orientale de la scène offre encore deux grandes figures en pied de femmes nimbées tournées vers la droite, c'est-à-dire vers le tombeau. La troisième a probablement disparu lors de remaniements postérieurs (piscine, fenêtre). Cette dernière scène concluait ainsi cet important cycle de la Passion, développé tout autour du chœur, dans le sens des aiguilles d'une montre, en commençant par le mur Sud de la première travée.

Collège apostolique, Sein d'Abraham

Au-dessus du cycle de la Passion du Christ, se trouvait un ensemble iconographique consacré aux apôtres. Il était disposé de part et d'autre des baies et de l'arc triomphal ; le nombre des emplacements disponibles correspondait exactement à celui des apôtres (douze). Chaque figure était debout et tenait un livre (H. : 300 ; L. ; 125). A l'origine, elles étaient certainement toutes accompagnées d'une inscription qui permettait de les identifier.

Seule celle de saint Pierre (SCS PETRUS) a survécu.

La moitié du groupe apostolique est plus ou moins bien conservée, l'autre a presque entièrement disparu. Les peintures de la seconde travée sont plus lisibles et en particulier celles du mur Est qui, jusqu'en 1953, ont été protégées des ruissellements par les boiseries modernes du retable. Cette relative fraîcheur a fait croire à certains que les deux figures avaient été ajoutées au XIVe siècle.






On remarque par ailleurs une grande figure en buste sur le mur Ouest du chœur, au-dessus de l'arc triomphal. C'est un homme âgé, coiffé d'un large bonnet rond, représenté en train de tendre les bras. Une inscription placée auprès de lui nous apprend qu'il s'agit du Sein d'Abraham (ABRAE). D'après son attitude, Abraham abrite en son sein les âmes des Justes (H. : 130 ; L. : 165 environ).

Travaux des mois

D'autres peintures figuratives subsistent dans le chœur comme celles qui ornent l'intrados de l'arc doubleau séparant la voûte de chacune des deux travées. Elles ont été peintes directement sur la pierre et celles du côté Sud sont les seules à avoir pour partie survécu. On y voit plusieurs personnages se détachant sur un fond blanc semé d'étoiles à six rais. Ils sont disposés dans des encadrements verticaux, limités par la moulure d'angle du doubleau (rehaussée d'un motif en spirale). Chaque figure diffère de sa voisine. Ce sont des paysans au travail. Il y avait certainement un cycle des travaux des mois avec douze tableaux répartis sur tout l'arc doubleau. L'exiguïté de la surface disponible et surtout l'étroitesse de chaque tableau ont contraint le peintre à une concision extrême, en simplifiant au maximum chacune des scènes. L'emplacement choisi mérite d'être signalé car on trouve généralement ce thème sur l'intrados de l'arc triomphal, plutôt que sur l'intrados de l'arc doubleau séparant les deux travées du chœur.

Si la première image - placée au-dessus du talloir au chapiteau - a disparu, les cinq suivantes sont plus ou moins lisibles. De bas en haut, on distingue ainsi un homme de profil, coiffé d'un capuchon, en train de tenir devant lui un bâton avec ses deux mains. Les tableautins suivants montrent un homme assis et tendant les mains, comme s'il se chauffait devant un feu et un autre, vu de trois quarts, les deux bras en extension. Si la scène suivante est très usée, la sixième et dernière du côté Sud, présente un homme debout, avec un objet dans les mains. C'est un bâton prolongé par un fil qui retombe jusqu'au sol en se recourbant (très probablement une canne à pêche).

L'identification d'une partie de ces scènes pose quelques problèmes, car leur iconographie fait preuve d'une grande originalité. L'homme se réchauffant devant son foyer est une image convenue pour la représentation du mois de février et celle de la taille de la vigne pour le mois de mars est tout aussi traditionnelle. L'image d'un pêcheur à la ligne est exceptionnelle dans les images des travaux des mois, elle existe en Italie, mais seulement dans les calendriers sculptés d'après les recherches de Perrine Mane. Elle est alors associée au signe des Poissons (février) et probablement aussi au début du jeûne du Carême. Dans certains calendriers  d'inspiration antique, la pêche apparaît elle aussi, mais au printemps. Dans le tapis de la Création de Gérone (vers 1100), la pèche à la ligne illustre le mois de juin. Mais à Sainte-Marie-aux-Anglais. le positionnement de cette scène, un mois après la taille de la vigne (mars), évoque sans doute le mois de mai, se distinguant nettement en cela de la quasi-totalité des ensembles contemporains qui présentent mai comme étant le mois des chevaliers (promenades équestres, scènes de chasse ou départ pour la guerre) et qui n'évoquent presque jamais le monde paysan.

La scène qui nous reste à commenter est en réalité la première de ce cycle à être parvenue jusqu'à nous (mais originellement la deuxième de l'ensemble). Le paysan encapuchonné et vêtu d'un épais manteau d'hiver tient un long bâton devant lui. Il évoquerait a priori un berger avec sa houlette ou plutôt la glandée avec une gaule, mais ces occupations correspondent aux mois d'octobre ou de novembre, c'est-à-dire avant le traditionnel abattage du porc à l'entrée de l'hiver (décembre le plus souvent). Même si les comparaisons manquent quelque peu, nous serions plutôt tentés d'y voir une occupation hivernale du paysan. Reprenant une fois encore l'iconographie d'origine antique que l'on retrouve par exemple dans le Tapis de Gérone, ne pourrait-on pas y voir le retour de la chasse, avec son produit pendu au bout d'un bâton, comme Hélène Toubert l'a reconnu sur une peinture murale de la crypte de Tavant (Indre-et-Loire), comme évocation du mois de février ou plutôt de la saison hivernale ? Dans cet ensemble normand, le cycle aurait donc commencé par le mois de décembre (disparu), qui est en quelque sorte le premier mois de l'année avec la période de l'Avent. Cette scène du retour de la chasse correspondrait donc au mois de janvier.

Ces remarques auront sans doute partiellement démontré tout l'intérêt des restes de ces Travaux des mois (si peu fréquemment représentés en Normandie, à la différence du Maine voisin) et souligné la grande originalité de son iconographie, dont les sources restent à rechercher avec plus de précisions.


Peintures de la nef

Les peintures murales de la nef sont assez méconnues car elles sont très inégalement dégagées. Leur conservation est d'ailleurs assez médiocre et les restes de badigeons encore très présents. Les sondages effectués en 1992 ont permis de constater que le décor peint était bien présent tout autour de la nef mais l'identification de certaines scènes reste encore problématique à l'heure où nous écrivons ces lignes. Le mur Est ne conserve plus qu'une petite partie du décor peint qui l'ornait à l'origine) et l'on peut désormais lire au-dessus de l'arc triomphal : "sondages négatifs", probablement depuis les recherches de Malesset en 1952. La lecture des notes prises par l'archéologue et disciple de Caumont, Charles Vasseur, le 17 avril 1856, lors de sa visite de l'église, permet de compléter cette lacune et de restituer l'iconographie : "au-dessus [de l'arc triomphal] étaient représentées trois grandes figures, les deux des côtés incluses dans des arcades peintes, étaient nimbées. L'une d'elles, celle du côté Nord, tenait un livre dans sa main gauche, l'autre à laquelle on ne voit point d'attributs paraissait être une femme, et peut-être faut-il y voir Jésus-Christ et la Vierge. Celle du haut, d'une grande proportion, a la tête entourée du nimbe crucifère, ses deux mains étendues, la droite bénissante, c'est évidemment le Père Eternel". Cette peinture, probablement détruite par les ruissellements du début du siècle, était en réalité une image du Jugement dernier avec le Christ du Jugement faisant le geste de l'ostension des plaies ; il était placé à une échelle supérieure au centre de la scène, avec la Vierge et saint Jean de chaque côté de lui, dans leur rôle d'intercesseurs. D'autres éléments (anges buccinateurs, ressuscités) accompagnaient certainement la composition à l'origine mais ils étaient sans doute encore sous badigeon en 1856. Cette peinture était très probablement contemporaine du reste du décor.

D'autres peintures murales, ornent encore la partie orientale de la nef, elles n'étaient pas visibles lors de la visite de Charles Vasseur car elles se trouvaient certainement cachées par les retables des autels latéraux. Du côté Nord, entre deux cordons moulurés (soit à 2,80 m du sol actuel), se trouve un petit tableau comprenant deux clercs tonsurés (H. : 35,5 ; L. : 60). Au même emplacement mais du côté Sud, on découvre un buste du Christ inscrit dans une demi-mandorle en amande, accompagné de deux anges thuriféraires (H. : 34,5 ; L. : 138). Juste au-dessous, dominant l'autel latéral Sud, trois anges nimbés, debout, tiennent une croix pattée et à longue hampe, sous une frise de rubans plissés. Il est possible d'y voir les archanges Michel, Gabriel et Raphaël mais nous manquons d'éléments pour l'affirmer.

Les autres peintures de la nef (murs latéraux et mur Ouest) se développent en un registre continu conservé sur une hauteur de 0,90 m environ (à 2,30 m du sol actuel). Dans l'angle Sud-Ouest, les vestiges d'un bandeau horizontal se déchiffrent encore à 1,40 m du sol actuel. Il séparait le décor du soubassement du registre historié qui le surmontait. 



Sur le mur Nord, en grande partie restauré en 1974, se déroulent diverses scènes de combat. La première peinture, en commençant par le côté Est, montre un guerrier en cotte de mailles, coiffé d'un casque rond à nasal, agresser un évêque - agenouillé ou déjà tombé à terre - et un clerc qui n'a qu'une croix pattée pour se défendre. A l'arrière-plan à gauche, on distingue un personnage assis avec un chapeau plat de couleur blanche. Cette scène est séparée des autres peintures du mur Nord par une frise verticale constituée de cercles tangents.

Ne pourrait-on pas y voir le Meurtre de saint Thomas Becket ? Ce tableau correspond en effet au récit de l'assassinat, quand Edouard Grin, clerc et porte-croix de l'archevêque, a reçu sur le bras le premier coup destiné à l'archevêque, avant que ce dernier ne reçoive un coup sur la tête.

A l'Ouest de ce tableau, nous assistons à diverses scènes de combat. Des soldats montent à l'assaut d'une forteresse aux murs crénelés. Ils n'ont pas encore atteint les remparts ; le donjon se trouve en retrait. Les tentes de leur camp sont installées au pied de la ville. De l'autre côté, un assiégeant à cheval avec un écu rouge semble attaquer la forteresse. Un autre cavalier poursuit trois combattants à cheval, il frappe le dernier d'un coup d'épée à la tête tandis que le deuxième se retourne et le vise avec son arc.

La représentation de cavaliers simulant la fuite et contre-attaquant brutalement en décochant des flèches traduit un topos des récits contemporains des Croisades. Ce trait était bien connu des archers sarrazins. Le cavalier ennemi à la tête du groupe porte une lance sur l'épaule et un bouclier ovale de couleur jaune. Jusqu'en 1992, cette peinture était entièrement dissimulée par des badigeons, mais les lacunes sont importantes (têtes des deux premiers cavaliers...). Ces combats illustrent certainement des épisodes des Croisades car on distingue une croix sur le casque de chacun des assiégeants et des croix pattées au sommet des tentes. Une autre croix pattée se trouve même sur l'épée du cavalier qui poursuit trois adversaires.

Les peintures figuratives du mur Ouest de la nef sont très abîmées. Une scène se trouvait de part et d'autre de la porte. On croit reconnaître au Nord, la figure d'un homme avec un long bâton en biais qui passe devant l'encolure d'un cheval. Ne pourrait-on pas proposer la figure de saint Georges terrassant le dragon ? Au Sud, seules apparaissent des figures nues, groupées les unes contre les autres dans une atmosphère rougeoyante : peut-être un Enfer ou une Descente aux Limbes ?

Les peintures du mur Sud de la nef n'ont pas encore pu être identifiées dans leur totalité mais elles représentent différentes scènes de vies de saints (martyres...), correspondant à un ou plusieurs saints. Ces peintures se développent comme sur le mur Nord, c'est-à-dire en un registre continu dont il ne reste que 0,80 à 1,10 m de haut, du fait des remontées d'humidité par capillarité.

La première scène à partir de l'Ouest pourrait représenter un sujet différent des autres : un homme au profil grotesque se trouve à côté d'un animal (bovidé ?) au pied duquel il semble y avoir des flammes. Est-ce le sacrifice d'un païen à une idole ou une représentation du Veau d'or ?


Si la peinture voisine est trop endommagée pour qu'on puisse en dire quelque chose, les trois suivantes évoquent des martyres ou des saints. La première avait été interprétée par certains comme étant le Festin d'Hérode et la Danse de Salomé, mais une lecture plus serrée nous a amené à écarter ces propositions. On remarque bien sûr un bourreau menaçant, armé d'une hache posée sur l'épaule, et le chef d'un décapité sur un billot surélevé. Les deux jeunes personnes qui encadrent la tête du supplicié s'adressent à un évêque situé à gauche de la composition et reconnaissable à sa mitre. Il serait tout à fait vraisemblable que ce tableau représente saint Nicolas ressuscitant les trois enfants assassinés par le boucher et jetés dans son saloir. La peinture suivante montre un ange lançant l'encensoir au-dessus du corps d'un martyr - disparu ou non dégagé - que deux bourreaux tourmentent. A gauche, un souverain couronné assiste au supplice. La dernière peinture du mur Sud a été en partie détruite par le percement d'une baie flamboyante à la fin du XVe siècle. Il reste toutefois un autre ange thuriféraire et un autre bourreau activant sa victime avec un bâton (comme saint Laurent sur son grill).

Peintures décoratives (XIIIe siècle)

Le vocabulaire décoratif a un rôle important dans l'organisation des peintures murales de Sainte-Marie-aux-Anglais. Il rythme, organise ou unifie l'espace suivant son utilisation. Toutes les peintures figuratives se détachent sur un fond blanc semé d'étoiles rouges à six ou onze rais (diamètre : 7,8). Un faux-appareil aux proportions trapues se développe dans toute la partie supérieure des murs de la nef (au-dessus du boudin lui-même recouvert d'une torsade rouge et jaune), y compris dans les ébrasements des baies. La frise géométrique qui souligne l'extrados des baies de la nef et du chœur contribue à unifier l'espace intérieur car elle est - à deux exceptions près - la même partout (triangles équilatéraux montés sur un filet et surmontés d'une boule). Les frises délimitent les scènes et contribuent à l'animation de l'architecture. La frise à ruban plissé flanqué de pastilles rouges est fréquemment utilisée à l'emplacement des arcs formerets, ou au-dessus de l'autel latéral Sud. D'autres sont constituées de lignes brisées entrecroisées (qui déterminent des losanges) et sont elles aussi flanquées de pastilles rouges. Certains motifs sont moins représentés dans les frises (rinceaux gras, cercles tangents, éléments tête-bêche en forme de 9...). Les ébrasements des fenêtres du chœur se distinguent de ceux de la nef : ils sont beaucoup plus variés (quadrillages à boules incluses, quadrillages avec une boule à chaque intersection, réticulé, rinceaux...).

Le décor peint rehausse aussi l'architecture avec un quadrillage losange à pastilles rouges incluses sur les colonnes adossées du chœur (mur Est), des faux-claveaux ou des torsades sur les tores des ogives et des lignes ondées (ou des rubans pliés) sur les côtés... Tout ceci illustre la variété des effets décoratifs et l'homogénéité de l'ensemble des peintures. L'absence complète du vocabulaire décoratif gothique, courant à partir des années 1225-1250 (faux-appareil et semis de fleurettes, rinceaux...) est déjà un indice de datation.

Conclusions

L'église de Sainte-Marie-aux-Anglais abrite certainement le plus important ensemble de peintures murales du XIIIe siècle de Normandie. Le monument est miraculeusement parvenu jusqu'à nous et il a la chance d'avoir été très peu remanié depuis sa construction. Même s'il subsiste quelques problèmes pour identifier toutes les peintures de la nef récemment mises au jour, les derniers travaux ont prouvé que la nef et le chœur avaient été décorés en même temps. On retrouve en effet la même gamme chromatique (ocre-rouge, ocre-jaune, rose et beaucoup plus rarement du vert clair), le même vocabulaire décoratif et le même style ; le dessin à l'ocre-rouge ne manque pas de souplesse malgré sa "rusticité". Les aplats et la bichromie des vêtements essaient de traduire un certain volume. Quand les traits du visage ont été conservés, on retrouve systématiquement les deux taches rouges à l'emplacement des pommettes et une indéniable élégance du dessin. Le drapé aux plis souples et parallèles de la Vierge de l'Adoration des Mages est un assez beau morceau, qui se situe dans la tradition de certaines sculptures de la fin du Xlle siècle (tympan marial de la cathédrale de Senlis) mais les peintures datent bien du XIIIe siècle car elles sont contemporaines des voûtes du chœur.

épigraphie : étude des inscriptions réalisées sur des matières non périssables (pierre, argile, métal, ...), pour les dater et les replacer dans leur contexte culturel.

Les costumes (militaires ou ecclésiastiques) et l'épigraphie (m en onciale de type ancien, absence de lettres "fermées") permettent en effet de proposer une datation vers 1220-1230, c'est-à-dire à l'issue des travaux de reprise du chœur et de son voûtement.

Autres décors peints plus ou moins conservés

Les peintures murales du XIIIe siècle sont évidemment les plus importantes de l'église mais il subsiste des traces des décors peints au cours des siècles suivants. On voyait en effet jusqu'en 1974 sur le mur Est du chœur, les restes de peintures du XIVe siècle qui occultaient partiellement le Portement de croix. C'était un "saint à petite échelle, présenté dans un médaillon quadrilobé, lui-même inscrit dans un cercle de 0,60 m de diamètre. A l'intérieur du médaillon, le fond était vert, décoré de rinceaux blancs et vert foncé". Un faux-appareil à doubles traits, à tirets et à angles arrondis, fréquent au XIVe siècle, accompagnait ce disque habité qui était peut-être une croix de consécration portée par un apôtre. Ce décor, certainement peint à sec, a été détruit en 1974 par l'entreprise Malesset pour dégager la peinture plus ancienne. C'est d'autant plus regrettable que c'était le dernier témoin de cette campagne à avoir subsisté. Le percement de la baie flamboyante à l'extrémité orientale du mur Sud de la nef a été suivie par l'exécution d'un nouveau faux-appareil dans toute la nef (y compris sur les peintures figuratives du XIIIe siècle). Une notable partie des peintures originelles avait déjà disparu puisque le faux-appareil a été posé sur un enduit de lacune dans les parties basses. Peinte sur un simple lait de chaux, cette couche s'est plus ou moins bien conservée mais elle descend jusqu'à 0,90  m du sol actuel, soit environ 1,50 m plus bas que les peintures du XIIIe siècle. C'est un faux appareil rouge sur fond blanc ; sa longueur varie sensiblement (25 à 37,5) mais sa hauteur est stable (20,5 à 21,5). Un trait vertical sur deux part d'une sorte de triangle rouge qui ne touche pas la ligne inférieure. Ce motif coupe le module en deux parties égales et donne une certaine verticalité à chaque "pierre" de ce faux-appareil. Ce modèle est pour le moment unique en Normandie. Dans les ébrasements de la baie flamboyante se développent d'amples rinceaux grêles se terminant en inflorescences (motifs au pochoir). D'après les caractères de la baie (bases polygonales, remplage) et des rinceaux, on peut proposer une datation à la fin du XVe siècle pour l'ensemble de cette campagne.

Les peintures ajoutées au XVIIe siècle

Les peintures les plus récentes correspondent à la litre funéraire du XVIIe siècle en grande partie grattée par l'entreprise Malesset en 1974. M. Jean-Paul Corbasson, a bien voulu nous préciser qu'il y avait reconnu les armes des Drossey ou Drosey, qui doivent dater au plus tard de 1712. Enfin nous ne mentionnerons que pour information la Danse macabre signalée par quelques auteurs. A la source se trouve G. Kastner, qui indiquait en 1844 et l'on y avait découvert peu de temps avant une Danse macabre sous les badigeons de l'église promise à la destruction (54). L'église de Sainte-Marie-aux-Anglais est toujours debout et il semble bien qu'il n'y ait jamais eu de peinture murale à sujet macabre. Aucun des archéologues qui y sont passés n'y ont fait la moindre allusion et l'église a échappé aux remaniements... Cette assertion est donc probablement le fruit de l'esprit romantique d'alors.

THE CHAPEL IN PAINTINGS




In 1958, a peruvian painter who was staying at the house of his father-in-law in Sainte-Marie-aux-Anglais, Juan Cardenas-Castro, made a painting of the chapel. His son Manuel visited us during the 2014 summer and allowed us to publish a picture of this painting.

Here is the chapel, as seen by this artist.

Annick Kohn, member of the Association and painting teacher,  realized this painting in 2015. The Association offers printed copies in  A3 format.



We will place there other paintings of the chapel that we would find.